Elle était une fois, une petite fille au visage émacié, les os saillants, salie de boues et de poussières. Ses cheveux, d’un noir de jais, étaient emmêlés, formant des nœuds durcis par la saleté. Ses yeux, une merveille à témoigner et une malédiction pour sa pauvre carcasse, brillaient d’un vert émeraude à gauche et d’un gris argenté à droite. Ils étaient la cause de son abandon : ses parents pensaient qu’elle était la fille du diable, que ses yeux vairons seraient un artifice enchantant les âmes, les égarantes jusqu’en enfer.  

Alors, elle put survivre grâce à celles et ceux qui prirent pitié d’elle, lui donnant de quoi manger jusqu’à ce qu’elle apprenne à marcher et à parler. Chose qu’elle fit rapidement, en observante les passant.es dans la rue, les vendeurs et vendeuses négociant.es au marché, en imitante la vie l’entourante.  

Elle fût plutôt épargnée par la rue. Petite protégée, mais aussi apprenante à jouer de son atout, de ses yeux apportants frayeur, elle était seule la plupart du temps, les gens n’osant.es l’approcher.  

Devant la porte du château, elle essayait régulièrement d’y pénétrer pour récupérer les restes des repas. Aujourd’hui était un tel jour, attendante l’opportunité pour s’y faufiler pendant la relève de la garde. C’est alors qu’elle entendit un murmure, venant de sa gauche, des douves : 

« pssst, pssst, gamine. Viens, approche, j’ai quelques questions à te poser » 

Il s’agissait d’un homme vêtu d’une tenue en cuire complète noire, un capuchon sur la tête masquant ses cheveux et ses traits. Il n’y avait pas de voleur plus absurde que lui : ainsi habillé en plein jour, l’idiot criait qu’il avait de mauvaises intentions.  

Mais la fille du diable n’en avait cure. S’agissait-il de courage, de curiosité ou de pitié ? Toujours est-elle qu’elle alla voir l’homme caché dans les douves. Il y a de fortes chances qu’elle le trouva si ridicule que ça l’amusa, et que tel spectacle était rare. Ne voulant couper court à ce divertissement, elle décida donc de divertir l’artiste. 

« Tu sais comment entrer dans le château ? J’dois y récupérer un gobelet en or serti de diamants…. J’ai perdu un pari… Mais j’ai pas envie de faire trop de grabuge. Alors j’y vais en scret. » (petit clin d’œil, à peine visible sous la capuche). 

Notre petite dame était perturbée. En effet, elle avait du mal à retenir son rire, devant l’absurdité du personnage. Faire du grabuge, alors qu’une cohorte de chevaliers expérimentés pouvaient sortir à tout moment ? Un souhait de mort, pensait-elle. Et il était discret ? Elle raidissa son sourire, pour empêcher tout son d’en sortir, ne voulant pas faire de la peine au pauvre hère.   

« Ah, je vois qu’ça te fait rire, petite. Eheh, c’est vrai que j’aurais du mal à ne pas rire dans ta situation. Mais peux-tu m’aider s’il te plaît ? En échange, je te montrerais quelque chose de merveilleux ! » 

Alors, notre petite sorcière lui expliqua les tours de gardes et le plan approximatif du château, enfin, ce qu’elle avait pu glaner durant ses visites impromptus.  

« Merci, petite ! J’y vais alors ! » 

A ce moment même, deux gardes approchaient ceux en poste. Ces derniers étaient tellement content de finir leur taff qu’ils accoururent vers eux. Et notre voleur peu discret, d’un coup, se volatilisa, disparaissant des yeux de la petite. Seules les traces de pas apparaissaient furtivement sur son chemin.  

Les gardes ne remarquèrent rien, trop occupés à discuter des derniers événements : le seigneur aurait attrapé un rhume en se lavant trop souvent. Des médecins de contrées lointaines venaient donc pour essayer de le guérir. D’ailleurs, un médecin était tombé malade durant son séjour, une sorte de rhinopharyngite aiguë, et un collègue s’est occupé de lui. Mais lui aussi tombant malade, un autre a dû s’en occuper…. Mais c’edt une autre histoire, celle de l’invention de l’hôpital.  

Une heure plus tard, notre voleur réapparu comme par magie au côté de la fillette qui jouait avec une chouette errante, le gobelet à la main.  

« Comment tu as fait ça ? Disparaître d’un coup, comme ça ? Enfin, devenir invisible quoi. »  

« Eheh, secret de fabrication ! Mais comme tu m’as bien aidé, j’vais te montrer un truc cool, comme promis ! Y a un endroit où tu aimerais aller, particulièrement ?  

« J’aimerais voir la mer ! Paraît qu’on peut s’y laver !!!! » 

«  Ah, oui, il y a assez de flotte pour ça, là-bas ! Très bien alors ! La mer ! Prends moi la main ! »  

Et c’est ainsi que notre jeune enfant se fit enlevé par un ravisseur des plus étrange….  

Elle pris sa main, et, soudainement, un vortex bleuté l’avala, elle et l’homme à ses côtés. Frrrttrfrshrtrtshrtr et badam : devant les yeux écarquillés (et vairons !) de la petite, une étendue de sable doré s’étendait a perte de vue autour d’elle, parsemée de coquillages colorés et de petits crustacés, un véritable paradis sur terre. Le soleil étincelant réchauffait doucement les dernières heures de la journée, la température était douce, et, un peu plus loin, de jeunes gens se retrouvaient autour d’un début de feu, jouant de la musique, dansant et riant. Mais, surtout, en face d’elle se trouvait une immense bassine d’eau (tel qu’elle le voyait) qui, en plus, remuait, comme si elle était vivante, cherchante à avancer sur le sable. Elle ne put s’empêcher de courir à sa rencontre, voulant ainsi se laver pour la première fois depuis belle lurette. Enfin, sans savon, mais elle n’en avait jamais utilisée, donc cette pensée ne lui traversa même pas l’esprit.  

Pour la première fois, elle se sentit vivante, revigorée par la fraîcheur de l’eau, la sérénité retrouvée par le ressac des vagues. Sa faim fût oubliée, tout comme l’homme, disparu encore une fois de la plage. (D’ailleurs, si vous vous demandez pourquoi il ne s’est pas téléporté directement dans le château, c’est que ce dernier est protégé par un champ anti-intrusion magique établi par une éminente mage, Ana la belle, des siècles avant, en contrepartie d’un service rendu par l’ancêtre du seigneur actuel, qui l’avait hébergé durant une période de crises et de douleurs (en effet, elle était enceinte) mais ceci est encore une autre histoire).  

Notre homme était reparti, ainsi. Sûrement qu’il pensait qu’il n’y aurait pas de rançon contre la gamine…. Ou parce que c’était l’heure de l’apéro, et qu’il avait enfin un gobelet pour pouvoir le prendre.  


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